Croissance et caractérisation de couches bi-dimensionnelles de plomb sur des substrats de carbure de silicium - Marie D’angelo
Rencontre avec Marie D’angelo porteuse de projet doctoral de l'AAP 2021, de l'Institut de NanoScience de Paris.
Marie D’angeloL’effet Hall quantique de spin (QSHE) est parmi les plus prometteurs en termes d’applications en particulier pour la spintronique.
Dans quel axe thématique s’inscrit votre projet ?
Défis et recherche fondamentale. Il s’agit d’un projet expérimental qui porte sur la croissance et la caractérisation de couches bi-dimensionnelles de plomb (Pb) sur des substrats de carbure de silicium (SiC).
Pourquoi développer une action de recherche dans cette direction ?
Ce projet s’inscrit dans le domaine très large des matériaux bi-dimensionnels (2D), domaine qui connait un essor remarquable depuis 2004 lorsque une équipe de l’université de Manchester a mis pour la première fois expérimentalement en évidence l’existence d’un cristal 2D stable : le graphène, constitué d’un unique plan d’atomes de carbone.
Ce matériau présente des propriétés mécaniques, thermiques et électroniques exceptionnelles : léger, flexible, il est plus résistant que l’acier et conduit l’électricité de façon remarquable. De plus, le graphène a ouvert un large champ totalement nouveau de la physique des matériaux en montrant qu’il était possible d’obtenir de nombreux cristaux sous forme bi-dimensionnelle, ces matériaux possédant eux aussi des propriétés - en particulier électroniques - exceptionnelles.
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Marie D’angeloLe graphène a ouvert un large champ totalement nouveau de la physique des matériaux.
Projet : Growth and Characterization of Bidimentionnal Pb Layers on Silicon Carbide Substrates
Co-porteurs :
Marie D’angelo (INSP - Equipe Spectroscopie des nouveaux états quantiques),
Geoffroy Prévot (INSP - Equipe Physico-chimie et dynamique des surfaces)
Doctorant : Axel Malécot
Axe thématique : Défis et recherche fondamentale
Quelle propriété par exemple ?
Parmi ces propriétés, l’effet Hall quantique de spin (QSHE) est parmi les plus prometteurs en termes d’applications en particulier pour la spintronique. Les matériaux à effet Hall quantique de spin sont isolants en volume et présentent des états de bord conducteurs polarisés en spin, protégés topologiquement. Des travaux théoriques montrent que le graphène devrait présenter un tel effet mais à des températures extrêmement faibles qui excluent toute possibilité d’application. Ceci est dû à un faible couplage spin-orbite. La solution consiste à synthétiser un matériau ayant la même structure atomique que le graphène (structure nid-d’abeille) mais constitué d’atomes plus lourds. Ainsi le silicène ou le germanène ont été largement étudiés ces dernières années mais la synthèse de plombène (équivalent du graphène avec des atomes de Pb) permettrait de travailler à des températures encore plus élevées, autour de la température ambiante.
Jusqu’à présent, il n’existe que très peu d’études expérimentales concernant le plombène sans résultat vraiment convaincant (une seule étude à notre connaissance a mis en évidence la formation possible de plombène par dépôt de Pb sur une surface de palladium mais la structure atomique reste encore à confirmer). De plus, pour de futures applications, l’idéal serait de synthétiser ce matériau sur un substrat semi-conducteur ou isolant. Des travaux théoriques ayant suggérés SiC (semiconducteur à grand gap) comme un substrat adapté à la croissance de plombène, nous avons donc décidé d’étudier la formation de couches 2D de Pb sur SiC. Même si nous ne parvenons pas à synthétiser du plombène, nous nous attendons à ce que le système Pb/SiC présente une physique riche de la même façon que Pb/Si ou Pb/Ge pour lesquels des propriétés de supraconductivité 2D, l’apparition d’une phase de Mott ou la formation d’une onde de densité de charge ont pu être mises en évidence
Marie D’angeloRépondre à l’AAP de l’institut nous a permis d’avoir une chance supplémentaire d’obtenir une bourse de thèse.
En quoi la collaboration avec un autre laboratoire enrichie-t-elle votre projet de recherche ?
Cette thèse s’effectue en co-direction avec Geoffroy Prévot de l’Institut des Nanosciences de Paris : il est un spécialiste de la diffraction des rayons X en incidence rasante ce qui nous permettra d’obtenir de précieuses informations sur la structure atomique de nos systèmes. G. Prévot a beaucoup travaillé sur des systèmes 2D à base de silicium (sur des substrats d’argent ou d’aluminium) et grâce à des études structurelles détaillées et rigoureuses, ses collaborateurs et lui ont pu montrer que dans le domaine des «Xènes» (matériau 2D ayant la même structure que le graphène mais constitué d’atomes différents, X = Si, Ge, Pb...) il faut être extrêmement prudent afin de s’assurer que l’on est bien en présence d’un tel matériau et non pas d’un alliage de surface.
Comment s’est passé le recrutement du doctorant ?
Nous avons ouvert le recrutement via une annonce sur le site de l’ED et celui de l’association Bernard Gregory. Nous avons reçu une vingtaine de candidatures dont malheureusement très peu correspondaient au profil demandé. Trois candidats ont passé un oral à l’issue duquel Axel Malécot a été sélectionné. Axel a effectué son master à Sorbonne Université dans le parcours «Sciences des Matériaux et Nano-objets». Il a travaillé sur les couches 2D de plomb pendant son stage de master de 5 mois et souhaitait poursuivre en thèse sur cette thématique qui le motive grandement.
Pourquoi répondre à l’AAP de l’Institut ? A vos yeux, que peut apporter l’Institut à votre projet ?
Répondre à l’AAP de l’institut nous a permis d’avoir une chance supplémentaire d’obtenir une bourse de thèse (nous avions fait une demande ANR qui malheureusement n’a pas été retenue). Cette bourse de thèse est de plus environnée, ce qui assure au doctorant un certain «confort» permettant de financer dans notre cas des campagnes d’expériences en rayonnement synchrotron et la participation à des conférences par exemple.