Développement d’un modèle hybride pour simuler l’action d’un solvant sur un soluté quantique - Guillaume Jeanmairet
Guillaume Jeanmairet du laboratoire PHENIX est spécialiste des simulations de solvatation par l’utilisation de fonctionnelles. Il porte un projeten collaboration avec le LCT pour développer une modélisation hybride qui allie les descriptions quantiques et classiques d’un système RedOx.
Nous présentons dans ce numéro les derniers projets de recherche doctorants soutenus par iMAT. Dans quel champ de recherche vous situez-vous ?
Notre projet de recherche se déploie dans le champ de la simulation. Nous avons pour ambition de croiser deux méthodes de modélisation, l’une de chimie quantique et l’autre de physique statistique, pour modéliser l’effet d’un solvant sur les propriétés d’un soluté.
Pour décrire un tel système, les simulations quantiques sont les plus exactes mais nécessitent une masse de calcul très importante pour un système complexe, ce qui les rend très onéreuses. Pour un système solvant / soluté, le soluté est décrit généralement par un modèle quantique et le solvant par des simulations classiques des forces : cela permet de réduire le cout des simulations même si celui reste important. Une alternative est de décrire le solvant par un modèle continu ce qui accélère considérablement les calculs mais ceci se fait au détriment de la précision puisqu’on perd la nature moléculaire du solvant.
Notre modèle hybride se situe dans une zone intermédiaire. On décrit toujours le soluté RedOx par une méthode quantique alors que le solvant est lui décrit par une méthode héritée de la physique des liquides qui permet de garder une description de la nature moléculaire avec un coût comparable aux méthodes utilisant un continuum.
Quelle est l’originalité de votre simulation classique ?
Généralement, il y a deux méthodes de modélisation classique de ce type de système : soit des modèles Monte-Carlo, soit des dynamiques moléculaires. Ce sont deux méthodes qui consistent à générer énormément de configurations différentes du système étudié, jusqu’à plusieurs millions parfois, puis de procéder à des calculs de moyennes statistiques pour en tirer les propriétés observables. L’inconvénient de ces méthodes, c’est qu’elles restent encore onéreuses : pour que la moyenne ait du sens, il faut avoir généré énormément de configurations, ce qui est gourmand en temps humains et en temps de calculs.
La méthode que nous voulons coupler est une méthode alternative qui permet de caractériser avec beaucoup d’efficacité et peu de calcul le comportement d’un solvant : on ne génère pas des myriades de configurations pour faire des moyennes mais on établit une fonctionnelle, qui dépend de la densité du solvant. Cette fonctionnelle une fois minimisée fournit la structure du solvant et ses propriétés énergétiques. Les ordinateurs sont hyper efficaces pour ce type de calcul : cette méthode est donc beaucoup plus économe en temps humain comme en temps machine. Typiquement sur des modèles classiques, utiliser cette méthode permet d’être 1000 fois plus rapide en termes de temps de calculs.
Notre méthode devrait permettre de manière assez précise d’être beaucoup plus efficace et de prendre en compte le solvant dans des calculs de chimie quantique.
Guilaume Jeanmairet (PHENIX)Notre méthode devrait permettre de manière assez précise d’être beaucoup plus efficace et de prendre en compte le solvant dans des calculs de chimie quantique.
Comment vous est venu cette idée de méthode hybride ?
C’était déjà le sujet de ma thèse : il était naturel pour moi de croiser cette méthode avec une méthode quantique. Si la simulation marche, elle sera rapide, efficace et permettra de regarder la solvatation en prenant en compte le solvant dans les calculs quantiques sans de grandes dépenses de calcul.
J’ai déjà reproduit ce croisement l’an dernier avec la méthode de simulation quantique DFT électronique : les résultats étaient positifs et j’ai pu publier. Mais j’ai alors perdu beaucoup de temps à comprendre et modifier le code qui m’était étranger. Ça m’a néanmoins fourni une preuve de principe qui m’a permis de solliciter Emmanuel Giner du LCT pour l’associer à mon projet : il développe son propre code de structure électronique.
Emmanuel Giner et moi nous nous connaissons depuis longtemps : il s’est installé dans le bureau que j’occupais quand je suis parti en postdoc en Allemagne. Avec le temps et vu nos spécialités, nous envisagions depuis un moment cette collaboration.
C’est un projet de recherche doctorant : comment s’est passé le recrutement ?
Nous avons passé l’annonce dans un réseau d’experts, le Réseau de Chimie Théorique Francophone, ainsi que sur LinkedIn. Nous avons présélectionné 6 candidats à qui nous avons soumis mon article sur la preuve de principe. Nous avons pu réduire la liste à 3 candidats pour finalement choisir Maxime Labat : c’est lui qui avait le plus d’expérience et de curiosité pour notre projet.
Par contre le timing nous a semblé trop serré : après la joie de l’annonce, il a fallu chercher un candidat en un mois, c’est vraiment très court.
Pourquoi présenter à iMAT ? Et que pourrait vous apporter l’institut de plus que d’autres structures ?
J’avais déjà présenté un autre projet l’an dernier. Fort de la publication de mon dernier article, j’ai voulu profiter de cette expérience pour lancer cette collaboration. L’institut nous a particulièrement aidé pour la sélection du candidat : le fait que des représentants de l’ED et d’iMAT participent nous a conforté dans notre choix ; forts de leur expérience ils nous ont conseillé avec beaucoup de bienveillance. Et puis notre projet de modélisation hybride gagnera en visibilité dans la communauté de science des matériaux en étant porté par un institut thématique de l’Alliance Sorbonne Université.